Mohamed Benhamou : « La dynamique diplomatique marocaine a complètement écrasé ce qui restait du rêve du polisario »
Quelques jours après l’action du Maroc pour la sécurisation du poste-frontière de Guerguerat afin d’assurer la libre circulation civile et commerciale, une forte adhésion de la communauté internationale a été remarquée à la fois pour condamner et dénoncer les provocations auxquelles s’adonnent à répétition les séparatistes du « polisario » dans la zone tampon. Une intervention légitime du Maroc face à ces agissements graves et inacceptables qui menacent la paix et la stabilité à ses frontières avec la Mauritanie, mais qui a entraîné un changement stratégique dans cette région. Décryptage avec le président du Centre marocain des études stratégiques (CMES), Mohamed Benhamou.
MAROC DIPLOMATIQUE : Quelle évaluation faites-vous des derniers développements de la situation dans la zone tampon ?
Mohamed Benhamou : La circulation a été rétablie, la route pacifiée et les éléments du polisario ont été expulsés. L’opération a été menée conformément à la légalité internationale et ses objectifs ont été atteints. D’ailleurs, les réactions à l’international sont également très positives, en dehors de l’Algérie qui a réitéré sa position, étant elle-même la principale initiatrice de ces provocations.
MD : Un communiqué royal, tombé le 16 novembre, portait sur l’entretien téléphonique qu’a eu le Roi Mohammed VI avec le Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres. Quelle est, selon vous, la portée de cet échange ?
M.B : Cet entretien est hautement important, il représente une extension de l’attitude sage et responsable avec laquelle le Maroc a toujours abordé ces questions. Avant l’opération militaire, le Maroc a attendu pendant trois semaines que la médiation onusienne aboutisse avant d’agir, en vue de pousser le polisario à cesser ses agissements. Cependant, le Royaume a tenu informées les parties concernées. Cette opération, qui a été bien cadrée avec des objectifs précis, répond aussi aux appels exprimés par le Conseil de sécurité à travers la résolution 2548, appelant le polisario à quitter la zone tampon. Le Maroc n’a eu d’autre choix que d’assumer ses responsabilités et d’exercer ses attributions afin de rétablir la situation à sa normalité et permettre un retour à la libre circulation dans cette zone.
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MD : Le même document indique que le souverain affirme l’attachement constant du Maroc au cessez-le-feu. Quelle interprétation donneriez-vous à cette position ferme du Royaume ?
M.B : Sa Majesté était clair, net et précis. Le Maroc reste bien sûr attaché à la légalité internationale, mais il ripostera avec une grande fermeté aux agissements du polisario et à toute menace sécuritaire dont il risque d’être la cible. Donc, le Royaume ne se désengage pas l’accord de 1991 du cessez-le-feu, mais en même temps si les ennemis de l’intégrité territoriale cherchent à déstabiliser le pays, le Maroc n’hésitera pas à riposter.
Comme on l’a constaté depuis le début, le polisario cherchait, à travers un scénario plutôt stupide, à donner l’impression que le Maroc serait à l’origine de cette violation pour le dédouaner de son engagement avec les Nations-Unies. Mais le Royaume a agi dans le cadre de sa souveraineté et aucune réaction à l’international ne dit le contraire. Ce n’est pas la première fois que le polisario agit de la sorte à l’égard du Royaume dans le cadre d’une stratégie dictée par son parrain, l’Algérie. Leur but est de déstabiliser la région et déclencher un affrontement. D’ailleurs, ces protagonistes ont utilisé une centaine de civils, dont des femmes et des enfants, encadrés par leurs milices armées, ce qui est complètement inapproprié et inacceptable dans une situation conflictuelle. Ce blocage au niveau du poste frontalier de Guerguerat, entravant la liberté de circulation, ne pouvait pas être accepté par le Maroc. Celui qui va aujourd’hui assumer les conséquences et la responsabilité du développement de la situation au niveau de la zone tampon est bien le polisario, qui n’a clairement pas respecté le cessez-le-feu.
MD : Cette intervention des FAR a non seulement permis le retour à la normale à Guergarat, mais a aussi révélé l’adhésion de la communauté internationale à la position sage de la diplomatie marocaine. Maintenant, comment œuvrer pour mieux promouvoir cette initiative marocaine d’autonomie ?
M.B : Je pense que nous sommes dans une phase où le régime algérien a perdu la raison et le polisario est devenu fou. Il y a un contexte politique algérien qui place le régime dans une situation très délicate et très difficile avec une guerre intestine où le peuple algérien a été pris en otage dans un conflit qui n’est pas le sien et dont il a payé le lourd tribut pour cette aventure d’un régime qui est resté prisonnier de la guerre froide.
MD : Cependant, le soutien international confirme par ricochet l’isolement du Polisario et de ses soutiens. Qu’en pensez-vous ?
M.B : Sur le plan international, l’Algérie est aujourd’hui isolée et son projet séparatiste du polisario est en faillite et constitue un fardeau pour son régime qui ne sait plus quoi en faire. Je pense que l’action de l’Algérie vise à déserter le polisario dans la zone tampon et de le jeter de l’autre côté de la frontière. Tandis que, lui, se trouve face à une montée de protestation dans les camps de Tindouf. C’est clair que ses citoyens ne croient plus à ce qu’on leur a promis comme territoire. Cependant, il y a une grande dynamique diplomatique marocaine qui a complètement écrasé ce qui restait de ce rêve avec un succès énorme, notamment en termes du nombre des pays du monde qui ne reconnaissent pas ce projet séparatiste, soit 164 pays à travers le monde. Le retour du Maroc à l’Union africaine a étouffé l’unique espace où le polisario et l’Algérie se permettaient de véhiculer leurs discours et faire la promotion de ce produit périmé pendant l’absence du Royaume. Sans oublier que l’ouverture de beaucoup de consulats à Laâyoune et Dakhla, représente la continuité de la dynamique diplomatique marocaine. La communauté internationale est entièrement acquise à ce stade.
Le référendum auquel continue de s’accrocher le polisario est aujourd’hui un projet enterré, puisque l’objectif depuis 2007 est la recherche d’une solution politique concertée, acceptée et viable par les différentes parties concernées par ce différend. Que reste-t-il donc au polisario si n’est qu’une aventure suicidaire et une tentative de pousser la région vers le chaos. Je ne pense pas qu’avec ce qui se passe aujourd’hui, ces derniers pourraient gagner la sympathie ou l’adhésion des États.
MD : Au regard de ces développements, à quoi faut-il s’attendre, notamment, au niveau de négociations engagées sous l’égide de l’ONU ?
M.B :J e pense que les Nations-Unies ont été largement malmenées par le polisario, qui s’est attaqué dans ses réactions au Conseil de Sécurité, au secrétaire des Nations-Unies et à la Minurso. Il s’est mis en guerre contre tout le monde par ces agissements, ce qui le met dans une impasse, au lieu d’aller vers le processus politique. Il n’a eu comme objectif ultime que de menacer la sécurité régionale. Le Polisario ne mérite pas d’être dans quelconque processus politique de négociation, parce qu’il n’a aucune représentativité des Sahraouis. Il représente peut-être une très petite minorité, celle de Tindouf, qui ne lui a même pas attribué la légitimité de défendre ses droits. Ils sont à tout casser une centaine de bonshommes à la solde du régime algérien et qui n’ont aucune souveraineté sur leurs décisions et qui dépendent de la volonté des services de renseignement algériens. En contrepartie, plus de 80% des citoyens originaires du Sahara vivent dans les provinces du sud et plus de 1.600 élus locaux et nationaux sont élus de manière démocratique dans les instances marocaines.
Il est temps donc de mettre fin à cette usurpation que le polisario a imposée en voulant être le représentant des Sahraouis, alors qu’il ne peut aucunement parler au nom des Sahraouis. Être Sahraoui est beaucoup plus noble que cela. Et puis, étant à l’origine de ce conflit artificiel, je pense que l’Algérie doit assumer sa responsabilité et assumer son mauvais choix, qui a miné l’édification du grand Maghreb et a coûté cher au peuple de la région.